Page 22 - Notes historiques sur la banlieue de Québec. Le Quartier Belvédère. La paroisse de Notre-Dame-du-Chemin
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Le pont de glace                                        ]|

(SERVICE SPECIAL A LA "PRESSE")
   —QUEBEC, 31. Le pont entre la terre ferme et l'Ile
— —d'Orléans, nous voulons dire le pont de glace, en
ce dernier jour du mois de mars, est encore solide et
l'on passe dessus sans danger. C'est dire que l'inyer
                                       semblait complète-
qui, en décembre, janvier et février,
ment capituler, a vite repris ses       droits, comme s'y

attendaient d'ailleurs tous ceux qui connaissent ses

caprices. Nous en avons déjà rappelé plusieurs assez

étonnants. Aussi, n'y a-t-il pas lieu de croire qu'il n'y
                                           a encore un  pont
aura ni printemps ni été parce   qu'il y
solide entre la côte de Beaupré            d'Orléans.   On a
                                 et l'Ile

rappelé déjà des débâcles très tardives sur le fleuve

en face de Québec, mais l'on n'a que mentionné le fait
Etudions la question à la lumière de l'histoire. Le

premier pont de glace entre Québec et Lévis dont il soit

fait mention dans nos annales québécoises se trouve,

croyons-nous, dans une relation du Pèi-e LeJemie, s.j.,

en 1633. On sait que le Père Pau! LeJeune, mission-

naire, qui fut l'un des fondateurs de Trois-Rivières, fut
l'auteur des premières relations de missionnaires du
Canada. Il est intéressant de lire la description qu'il a

faite de la débâcle du 23 avril 1633. La voici dans toute

sa grâce naïve, mais si précise:
      '11 y a quantité de jours en hiver dont l'ardeur du

soleil se fait bien plus fortement sentii- qu'en France.

Les premiers jours que je vis notre rivière prise, je

m'étonnai, car le temps était fort doux... La rivière se
glace toujours sur les bords et quand la marée vient à
monter elle détache ces glaces et les amène en. haut.
Or, est-il que non pas loin de nous il y a un sault où des
rochers empêclaent les glaces ou la marée de passer

outre. Ces glaces étant donc ramassées et pressées sur

cette rivière, qui engloutirait les quatre beaux fleuves
de France sans regorger, qui est au milieu d'un si grand

bois où le froid et la neige se conservent aisément, elles

se lient ensemble et ainsi, de mille et mille glaces, il

s'en fait une qui s'en va grossissant tous les jours et qui

—fait un grand pont sur toute la rivière. Le 23 avril
—1633 nous vîmes partir les glaces. Cela est effroyable.

On m'a dit qu'on en avait vu passer devant le Fort

longues d'une demi-lieue; ce sont les anses d'eau glacée
que la grande rivière va détachant. Sur notre petite
livière les glaces ne sont pas aussi affreuses, et, néan-
moins, je les ai vu emporter de grands morceaux de

terre, arracher des souches, briser quelques arbres qui

les entouraient. On en voit marcher de tout droits

dessus ces glaces au beau milieu de la rivière, qui en

june seule marée parait aussi belle et aussi claire comme

tSi elle n'avait pas été glacée."

     En 1642, la révérende Marie de l'Incarnation, de

qui nous apprenons tant de détails intéressants sur la
petite histoire des premières années de la colonie, nous

— —apprend que les sauvages de la rive sud Lévis

purent aller faire leurs Pâques à Québec en traversant
sur le pont de glace. Quelle était la date? Elle ne nous

le dit pas Pas plus qu'en 1658, alors que dans une autre
relation elle nous dit que les sauvages vinrent de nou-

veau faire leurs Pâques à Québec en traversant égale-

ment sur la glace.

N'importe, si voilà deux ou trois siècles, on traver-

^it le fleuve sur le pont de glace entre Québec et Lévis
à Pâques, qui arrive toujours à la fin de mars ou au

idébut d'a\Til, il ne faut pas croire, comme l'on dit, que

Sous sommes plus "magannés" qu'autrefois.

                                           SAINTE-FOY.
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