Page 24 - Dictionnaire Généalogique des Familles Canadiennes - Volume I
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pendant que les deux prieroient Dieu, celuy qui serait tourmenté, chanterait les

Litanies de la Sainte Vierge, ou bien, VAve Maris Stella, ou bien, Pange lingua, ce

qui se faisoit. Il est vray que nos Iroquois s'en moquoient, etfuisoient de grandes

huées, quand ils nous enlendoient ainsi chanter ; mais cela ne nous empèchoil pas

de le faire.

" Ils nous faisoient danser autour d'un grand feu, pour nous faire tomber

dedans                                      ils estoienl tout autour du  feu plus de quarante, et nous jeltaient à grands
                                         ;

coups de pieds, les uns vers les autres, comme une balle dans un jeu de paume, et

après qu'ils nous avoient bien brusiez, ils nous mettoient dehors, à la pluye et au

froid. Je n'ay jamais ressenty si grande douleur, et néantmoins ils n'en faisoient

que rire. Nous prions Dieu de bon courage, et si vous me demandez si je n'avois

point d'impatience, et si je ne voulois point de mal aux Iroquois, qui nous faisoient

tant de mal, je vous diray que non, et qu'au contraire, je priais Dieu pour eux.

      " 11 faut que je vous dise des nouvelles de Pierre Rencontre, que vous connois-
sez bien : il est mort en Saint. Je l'ay veu pendant qu'on le tourmentoit, jamais il

ne dit autre chose que ces mots: Mon Dieu, ayez pitié de moy, qu'il répéta tou-

siours jusqu'au dernier soupir.

      " Connoissez-vousLouys Guimont, prit cet esté ? Il a été assommé de coups de
basions et de verges de fer : on luy en a tant et tant donné, qu'il est mort sous les
coups; mais cependant, il ne faisoit que prier Dieu, tellement que les Iroquois,
enragez de le voir tousiours remuer les léures pour prier, luy coupèrent toutes les
léures, hautes et basses. Que cela est horrible à voir ! et néantmoins, il ne laissoit
pas encore de prier ce qui dépita tellement les Iroquois, qu'ils luy arrachèrent le

                                                                                                             ;

cœur de la poitrine, encore tout vivant et le lui jetterent au visage.

      " Pour Monsieur Hébert, qui estoit blessé d'un coup de fusil, à l'épaule et au
bras, il a esté donné aux Iroquois d'Onneiout, là où il a esté poignardé à coups de
cousteaux, par les yurognes du pais. Pour le petit Antoine de la Meslée, ce pauvre
petit enfant m'a bien fait compassion, car il estoit devenu le valet de ces barbares,
et puis, ils l'ont tué à la chasse, à coups de cousteaux aussi.

      " Il y a bien d'autres François encore captifs; je ne vous en écry rien, car ce

ne seroit jamais fait. Il en vient icy quasi tous les jours, et puis mes doigts me font

grand mal. C'est grande piné de nous voir, nous autres qui avons la vie, car ils

font plus d'eslat de leurs chiens que de nous, et nous sommes bien aises quelques-

fois de manger le reste des chiens. En venant icy, quoy que nous eussions tous les

pieds écorchez, ils nous faisoient pourtant marcher nuds pieds, et nouschargeoient

de tous leurs pacquets, et nous hastoient d'aller à coups de basions, comme on

feroit à un cheval. Quand ils rencontroient quelques-uns de leurs gens, ils nous

arrachoient des ongles devant               eux, pour                    les  bienveigner                                                             mais  nous  prions tou-
                                                                                                                                                   ;

siours Dieu, et ces barbares s'en mocquoient tousiours. Priez bien Dieu pour moy,

car j'en ay bon besoin.".

      Après cela, pourrais-je dire qu'il y a encore un autre genre de noblesse ?

Quelques-uns peut-être la repousseront avec mépris. Mais après les témoignages
d'estime donnés au chef Huron, M. Vincent, après la satisfaction générale avec
laquelle on a vu l'élévation au sacerdoce de M. l'abbé Vincent, plusieurs, je crois.
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